La vérité sur les prélèvements obligatoires

« Les prélèvements obligatoires sont de plus en plus lourds »… « la France, championne du monde des prélèvements obligatoires »… « la nécessité de baisser les prélèvements obligatoires en France »… ces affirmations sont rabâchées dès que le débat sur la justice fiscale et sociale est ouvert, qu’en est-il ?

Des comparaisons internationales biaisées :

L’appellation de « prélèvements obligatoires » n’a pas la même signification selon les pays, elle ne regroupe pas les mêmes ressources. Comparer les Taux de Prélèvements Obligatoires n’a pas de sens.

En effet, ce taux apparaît plus faible dans les pays, comme les États-Unis, où l’assurance maladie et les régimes de retraite sont très largement privés. Les cotisations sont alors versées à des mutuelles, des assurances ou des fonds de retraite privés et ne constituent pas des prélèvements obligatoires, ce qui ne veut pas dire que les travailleurs ne doivent rien payer, bien au contraire !

En effet, les soins ne sont pas gratuits aux États-Unis, le poids des dépenses de santé dans le PIB est même plus élevé qu’en France et se monte à 17,2%. Il ne s’agit simplement pas de prélèvements obligatoires mais de dépenses contraintes.

Et ces dépenses sont de plus en plus lourdes pour un système de santé défaillant. Ainsi, aux États-Unis le montant des primes (cotisations) d’assurance santé a progressé de 25% en 2017 et augmentent avec l’âge. Alors même que les États-Unis arrivent derniers des pays riches concernant la mortalité infantile, l’espérance de vie à 60 ans, etc…

De même, le part des retraites dans le PIB est du même ordre aux États-Unis et en France. Or, le système de retraite en France permet d’avoir un taux de pauvreté des plus de 65 ans (8,2%) plus bas que dans les autres pays ; même si c’est encore trop, notre système doit évoluer vers plus de justice, plus de prélèvements obligatoires, et non pas moins, les comparaisons internationales le démontrent.

Les prélèvements obligatoires sont de plus en plus lourds

L’évolution du Taux de Prélèvements Obligatoires d’une année sur l’autre doit être interprétée avec précaution. Ainsi, ce taux diminue, toutes choses égales par ailleurs, si la Sécurité sociale baisse les cotisations sociales obligatoires et cesse de rembourser certains médicaments qui sont ensuite pris en charge par les ménages ou par des mutuelles dont le coût augmente en proportion.

La part dans le Produit Intérieur Brut des prélèvements obligatoires destinés à l’État, aux administrations centrales et à l’Union Européenne est en baisse en France depuis 40 ans : 19,3% en 1970 ; 17,5% en 2000 ; 13,5% en 2015.

REPARTITION DES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES EN FRANCE
2015 2016
Milliards d’euros % du PIB Milliards d’euros % du PIB
Etat dont : 295,0 13,4 305,3 13,7
–          Impôts 287,0 13,1 297,2 13,3
–          Cotisations sociales 7,9 0,4 8,1 0,4
Organismes divers d’administration centrale 16,6 0,8 10,1 0,5
Administrations publiques locales 133,1 6,1 137,7 6,2
Administrations de sécurité sociale 582,2 24,1 535,6 24,0
–          Impôts 170,0 7,7 172,2 7,7
–          Cotisations sociales 358,2 16,3 363,4 16,3
Institutions de l’Union Européenne 2,2 0,1 2,0 0,1
Total 975,0 44,4 990,7 44,4

 

Poursuivre dans la restriction des dépenses publiques c’est donc aggraver encore la dégradation des services publics alors que nous sommes au même niveau de dépenses que le Canada (13,3% du PIB), l’Espagne (13,8%), ou même que les États-Unis (15,9% si on ajoute le niveau fédéral et étatique). La France est l’un des pays industrialisés où la part dans le PIB des cotisations
sociales est la plus élevée (en baisse de 18,8% en 2011 à 16,8% en 2017 selon les chiffres établis par l’OCDE, contre 14,2% pour l’Allemagne, 6,4% pour le Royaume-Uni et 6,3% pour les États-Unis). Cela s’explique par le fait que nous nous sommes dotés d’un système de Sécurité Sociale, qui est moins cher, plus juste et plus efficace que les systèmes privés (les comparaisons internationales le prouvent).

Accepter la logique de réduction des prélèvements obligatoires revient à accepter une baisse des dépenses publiques et donc de notre protection sociale. Ce mouvement amènerait automatiquement une augmentation des prélèvements privés, c’est-à-dire des dépenses contraintes lourdes, injustes et au final moins efficaces ; ce contre quoi se révolte aujourd’hui le peuple.

Mobilisons-nous pour développer la Sécurité Sociale au sens large (santé, chômage, retraite), afin d’être mieux protégés pour un coût bien moindre, les prélèvements obligatoires ne doivent pas baisser.

Il faut également porter l’exigence d’une profonde réforme fiscale afin que le poids des prélèvements obligatoires soit mieux réparti pour que les plus grandes entreprises et les plus riches soient davantage mis à contribution.

Article paru dans le Lien Syndical (bulletin d’information de la Fédération CGT des Sociétés d’Études) n°495 d’avril 2019.

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